Les dérives de la notation numérique

La note client qui a sans doute inspiré le fameux épisode NoseDiving de la série Black Mirror, s’avère dangereuse. Les chercheurs Karen Levy et Luke Stark estiment que la mise en place de ces outils de notation ressemble en tout point au système de crédit social surnommé SCS et placé en phase de test par le gouvernement chinois en mai pour modeler la société. Censé être effectif en 2020, ce système national de réputation des citoyens basé sur des notes attribuées par d’autres conditionnera l’accès aux transports aériens et ferroviaires.

Ainsi, les incivilités diminueront la note sociale d’un individu jusqu’à l’empêcher d’utiliser certains services. « La familiarité croissante de ces outils risque de rendre le concept de surveillance sympathique et plaisante, conclut la chercheuse. Je trouve ça plutôt dangereux ».

  • Une précarisation constante

L’activité des chauffeurs dépend directement de leur note de satisfaction, rappelle France Inter dans une enquête récemment diffusée. Nabil, chauffeur depuis deux ans auprès de plusieurs sociétés de transport, en a fait l’expérience. « J’ai 4,61 étoiles sur 5. (…) C’est une mauvaise note pour Uber. En dessous de 4,50, vous êtes automatiquement suspendus. Vous vous réveillez un matin, essayez de vous connecter à l’application et c’est impossible », raconte-t-il à France Inter.

  • Un système qui encourage une sorte de ségrégation sociale

Pour cette rentrée, les Australiens et les Néo-zélandais vont devoir surveiller leur comportement. L’entreprise Uber, leader des services de VTC, a décidé de bannir les utilisateurs qui ont moins de 4 étoiles (sur un total de cinq) sur leur profil. La BBC explique que le service de transport a choisi l’Australie et la Nouvelle-Zélande « après avoir reçu des retours de la part de leurs chauffeurs ». Les « mauvais » passagers n’auront donc plus accès au service pendant 6 mois. Jusqu’à présent, seuls les chauffeurs mal notés (en dessous de 4,5 sur 5), pouvaient voir leurs comptes suspendus.

  • mise en place de système de manipulation

Les chauffeurs sont contraints de rivaliser d’ingéniosité pour satisfaire leurs passagers. « Les étoiles ne dépendent pas que du service. Beaucoup de clients notent à la tête du chauffeur, ou parce qu’ils n’ont pas apprécié le chemin que vous avez pris. Et puis les notes sont aussi attribuées en fonction de l’expérience précédente. Mais je n’y peux rien si un chauffeur avant moi avait prévu des chocolats ! », avait expliqué l’un d’entre eux à Libération.

  • Pression sociale

Une récente étude de l’université de New York va même plus loin, affirmant que ces notes ne reflètent plus la qualité réelle du service client. Elles sont même victimes d’une inflation, les usagers n’osant pas attribuer de mauvaises notes. Pourtant, les systèmes de notation client se généralisent dans de nombreuses entreprises. En 2017, les sociétés Vir Transport et Picard les ont adoptés. Au moment de leur passage en caisse, les clients de l’enseigne de produits surgelés sont ainsi invités à noter la prestation des salariés de l’enseigne.

  • Une charge supplémentaire au travail

Même les chauffeurs à la moyenne rutilante témoignent de la pression produite par un tel système : «Ça peut aller très vite, la désactivation, explique un VTC toujours en activité qui arbore 4,8 étoiles de moyenne. Parfois tu te prends une étoile parce que t’arrives en retard. Sauf que ça ne roule pas. En fait le client ne comprend pas ce qu’il note. Par exemple certains te sanctionnent parce qu’ils pensent que tu les balades, que tu fais des détours , comme à l’époque des taxis. Mais pour les VTC, le tarif de la course est fixe ! Et puis des fois t’es juste fatigué. Alors peut-être que ton chauffeur, il te fait pas la causette, voire il se perd un peu. Parce qu’il bosse douze heures d’affilée.»

 

  • Création de service qui n’existe pas et facilite le dépôts des faux avis sans réel contrôle

Même si la plupart des organismes qui proposent aux usagers de noter une prestation, un lieu, un service ou autre assurent vérifier les notes et avis qui sont déposés, il est impossible de tous les contrôler, ni même de savoir si ceux-ci sont véridiques.

Ainsi, Oobah Butler, un journaliste de Vice, a créé un faux restaurant appelé « The shed at Dulwich”, devenu le mieux noté de Londres sur la plateforme Tripadvisor en 2017. Dans une cabane au fond de son jardin, avec une fausse adresse, un site internet et des faux plats. Son idée vient directement de sa propre expérience : il était payé par des restaurateurs pour écrire des critiques positives de restaurants sur Tripadvisor sans même y avoir mangé. Pour devenir numéro 1 du classement, il a demandé à ses amis de laisser des bons avis sur son restaurant fictif. Tripadvisor se défend de cette erreur en assurant que la supercherie avait été découverte et était sur le point de donner lieux à des investigations.

De quoi s’interroger sur la véracité des notes attribuées et des commentaires laissés par les usagers mais également sur le business qui se cache derrière les notations.

Autre exemple lorsque le 11 juillet 2011, un internaute sous le pseudonyme “clarifieur” a déposé un avis sur le restaurant dijonnais “L’oiseau des Ducs” dans les pages jaunes. Celui-ci assurait dans son commentaire “très surfait, tout en apparat et très peu de chose dans l’assiette. L’assiette la mieux garnie est celle de l’addition. » Sauf que le restaurant en question n’existait pas encore à la date où l’internaute a écrit les propos. Si il a depuis été condamné à une amende et l’avis supprimé, toujours est-il qu’il a pu influencer des usagers. Se pose alors la question de l’influence de commentaires malveillants et sur ce que cela peut engendrer sur ceux qui offrent le service.

  • La possibilité de précipiter une entreprise à la faillite

L’exemple d’un chauffeur VTC : Eric, 30 ans. A travaillé chez Uber pendant 18 mois. score moyen de 4,86 “cette note, c’est le seul moyen pour Uber de contrôler ce que l’on fait”

Il dénonce la pression : “si on arrive à un seuil trop faible, à 4,5 sur la note principale et à 50% d’annulation de course, Uber bloque notre compte et on doit passer devant une commission qui nous dit oui ou non, on peut reprendre la route”.  “on commence à avoir peur de prendre des clients et on n’arrête pas de s’excuser, c’est infernal”.

il a une longue expérience dans les plateformes numériques. Le système est le même de Uber à Taxify, autre plateforme de transport de particulier. “en dessous de 4,5, les chauffeurs perdent leur bonus”.

 

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