MODULE 3

Nous l’avons vu au cours de ce module, YouTube Kids et Kiddle ne garantissent pas une sécurité sans faille, d’autant plus que ces deux plateformes sont également accusées de proposer des publicité à ce jeune public. Il est donc nécessaire de s’interroger sur l’utilisation que l’on peut faire de ces contenus, ainsi que de se demander quel est le rôle du parent, et où doit-il se placer face à ce nombre croissant de nouveaux outils numériques destinées aux plus jeunes. Doit-on interdire les écrans ? Ou Laisser ses enfants en totale autonomie avec ces dispositifs ? C’est ce dont nous allons parler dans ce troisième module !

 

Si nous n’avons pas parlé de Messenger Kids dans le second module, c’est parce que le problème qu’elle pose n’est pas vraiment une question de sécurité. En effet, pour le cas de cette application, il serait important de se demander quelle utilisation en faire, pour qu’elle puisse être utilisée par des jeunes enfants sans que cela mette en péril leur développement.

En effet, nous avons pu trouver de nombreux articles au sujet de Messenger Kids. Beaucoup venant de parents ou de professionnels, experts de l’enfance. Le principal soucis qui a alarmé pas moins de 21 millions de personnes, signataires d’une lettre adressée à Mark Zuckerberg lui-même, est que Facebook endoctrine les jeunes enfants et crée une distance entre les deux entités (l’utilisateur et sa famille). Cela entraîne, d’après la tribune menée par l’association Campaign for a Commercial-Free Childhood, des cas de dépression, d’insomnies, de mauvaise estime de soi… En effet, l’application au design attrayant qui séduit les enfants et les pousse à l’utiliser de plus en plus.

La CCFC évoque les problèmes que pourrait engendrer l’utilisation de l’application Messenger Kids par les plus jeunes : ils ne sont pas encore assez mature pour comprendre la complexité des relations humaines en ligne.

Pour Larry Rosen, psychologue et auteure de The Distracted Mind: Ancient Brains in a Fligh tech Wold explique que l’utilisation des réseaux sociaux par les enfants altère les relations humaines, et engendre des difficultés à comprendre et déchiffrer le langage corporel et les émotions humaines.

Tristan Harris, qui a fondé le Center of Humane Technology s’exprime au sujet de Messenger Kids «C’est comme si Coca-Cola inventait un soda pour enfants» «Il doit encore vendre du sucre; il ne peut pas être vraiment concerné par le bien-être des enfants.  »

Pour Jeremy Hunt, Facebook crée un “besoin” comme le souligne Tristan Harris dans sa phrase sur Coca-Cola.  Facebook créerait, selon lui, une “pression sociale” et un risque d’isolement si l’enfant n’est pas utilisateur de l’application. Cela pousse alors les enfants à télécharger cette application par soucis de mimétisme, et donc pousse également les parents à créer un compte Facebook s’il n’y sont pas inscrits (car les enfants accèdent à Messenger kids via le compte de leurs parents) . Une fois qu’ils atteignent l’âge légal,  leur compte Facebook se crée automatiquement. On inculque donc dès le plus jeune âge, que pour être dans la norme et faire comme les autres, il faut se créer une identité sociale virtuelle. Il est évident que cela nuit au développement de l’enfant qui est encore en apprentissage dans ce monde social.

Les médias parlent beaucoup de “fidélisation” des jeunes par facebook avec la création de messenger kids : avec des applis telles que snapchat, les jeunes se détournent de plus en plus de cette appli. donc les médias analysent cela comme tentative de les rallier à ce réseau social ; une fois l’âge légal, ils pourront avoir leur propre compte Facebook.

Bien que tout cela mette en évidence les problématiques propres à la culture des écrans, il semble pertinent de s’interroger également sur le rôle des parents dans l’usage de ces application par leurs enfants.
Dans ses écrits, le psychiatre Serge Tisseron (“Les écrans, apprendre à s’en passer, apprendre à s’en servir”, 3-6-9-12 apprivoiser les écrans) tente, sans les diaboliser ni les idéaliser, de s’interroger sur des questions liées à l’utilisation des écrans par les enfants. Les parents ont un rôle très important : il est celui qui doit contrôler, encadrer, limiter l’usage des écrans. Il (et l’école) doit informer son enfant sur l’usage d’internet, des applications.
Le fait que la plupart de ces applications prétendent répondre aux besoins des parents en proposant des contenus sécurisés, démontrent que ces derniers n’ont peut être pas conscience qu’ils sont le point de départ à un usage sain des écrans par leurs enfants.

En effet, comme nous avons pu le constater au cours de nos entretiens et mises en situation d’enfants très jeunes (3 à 5 ans), il ressort que ce jeune public est déjà familiarisé avec les écrans et le monde virtuel. Etant encore trop jeune pour avoir un compte sur Facebook, nous avons néamoins pu nous rendre compte de l’utilisation que pouvait faire ces enfants de téléphone intelligent ou tablette en leur proposant de naviguer sur YouTube kids seuls. Nous nous sommes rendus comptes que les enfants savaient parfaitement utiliser la préface de cette application, naviguant entre les vidéos proposées et sachant parfaitement (avant même de savoir lire), comprendre le contenu d’une image (vidéo) par l’icone de présentation.

Les parents des enfants ___

D’autre part, il apparaît que les deux enfants que nous avons pu observer (un jeune garçon de 3 ans et une fille de 4 ans) ne se cantonnent pas aux applications telles que YouTube Kids : ils savent également reconnaître les musiques qu’ils aiment en mémorisant les titre, l’artiste ou l’icone de présentation de la vidéo. Très vite ils basculent vers YouTube classique pour y mettre leur musiques favorites de façon totalement autonome.

Plus impressionnant encore, lorsque les parents mettent leur téléphone à disposition pour que leurs enfants regardent des vidéos sur YouTube Kids, il n’est pas rare qu’après une dizaine de minutes on les retrouve en totale autonomie, naviguant sur le compte Facebook de leurs parents.

Il est donc évident que ces applications destinées au jeune public peuvent être intéressantes pour commencer à familiariser les enfants avec le monde numérique, mais il est cependant nécessaire de rester néanmoins vigilant en permanence : les enfants savent très bien basculer d’une application à une autre, allant de YouTube Kids à YouTube par exemple.

Comme le souligne Serge Tisseron, il est donc primordial que le parent ne laisse pas l’enfant en totale autonomie face aux écrans et qu’il lui explique comment fonctionnent ces outils numériques et quels sont les dangers inhérents à l’utilisation de ces derniers.

“ Mieux vaut apprendre à utiliser les outils numériques pour tout ce qu’ils peuvent nous donner, ne pas leur demander ce qu’ils ne peuvent pas nous donner, et nous protéger de leurs dangers, que leurs fabricants ne dénoncent pas suffisamment”. (Serge Tisseron, 2016)