Les artistes et la reconnaissance faciale

Pour détourner le système de reconnaissance faciale dans sa part abusive, certains artistes ont créé des motifs ou des masques qui biaisent les systèmes par des algorithmes. 

En voici trois exemples :

Projet HyperFace

Adam Harvey, artiste berlinois, est un des collaborateurs du prototype HyperFace, créé et développé à partir de 2017 au Sundance Film Festival. Ce projet a été développé avec des membres du collectif Hyphen Labs, qui porte le festival et un salon de Neurocosmétique. Ce collectif défend l’afro-féminisme. 

Le motif vestimentaire inventé par Adam Harvey biaise les systèmes de reconnaissance faciale, à la base créés pour protéger les populations mais trop souvent, selon lui, utilisés à des fins commerciales.

Ces motifs sont des algorithmes censés représenter des centaines de visages pour les caméras, ce qui donne des milliers de faux résultats et brouille les pistes. On ne voit pas vraiment à l’oeil nu de visages (même si on peut deviner des formes se rapprochant plus du smiley que du visage humain) ; en revanche les caméras de surveillance et de reconnaissance faciale reconnaît ces données comme des visages et n’arrivent plus à n’en distinguer qu’un seul.

Méthode : détourner la caméra en la détournant de sa cible d’origine.

 

Le maquillage anti-reconnaissance de Grigory Bakunov

Grigory Bakunov est un expert qui travaille dans l’une des plus grosses compagnies technologiques de Russie. Il partage l’avis selon lequel les dispositifs de reconnaissance faciale prennent une trop grande part dans la sécurité et la surveillance, ce qu’il dénonce. Les gens sont surveillés dans la rue dans quelques grandes villes, les réseaux disposent de bases de données à propos du visage des utilisateurs qu’ils peuvent revendre à des sociétés marchandes.

Bakunov a donc mis au point un algorithme anti-reconnaissance faciale ne permet pas de reconnaître quelqu’un. Avec cet algorithme il a créé un maquillage fait de bandes et des petites formes géométriques qui représente l’algorithme qu’il a créé.

Néanmoins il y a une limite à ce projet ; Bakunov s’est rendu compte que ce maquillage visant à brouiller les pistes de la reconnaissance faciale pouvaient éventuellement être utilisés à des fins autrement intentionnées que celles de départ. Il explique que ce maquillage pourrait aussi très bien être utilisé pour brouiller les pistes des banques, ou encore de la police. C’est pour cette raison qu’il a choisi de ne pas commercialiser son dispositif et le rendre accessible.

  

Facial Weaponization Suite

Zach Blas est un artiste et écrivain de 38 ans basé à Londres. Il travaille en parti dans une perspective technologique et politique. 

Il a développé le projet Facial Weaponization Suit (suite d’arme faciale) entre 2011 et 2014. Son oeuvre proteste contre la reconnaissance faciale biométrique dans une perspective de combattre les inégalités générées par ces technologies (visage “type” par exemple).

Son oeuvre se présente sous la forme de “masques collectifs” modélisés à partir de données faciale de pleins de participants, mélangées toutes ensemble et formant cet forme étrange et tout rose que l’on peut voir.

Il a créé 4 masques, qui dénoncent 4 faits de société : 

  • masque généré à partir des données biométriques de plusieurs homosexuels, en opposition à un nouveau système de reconnaissance faciale qui serait capable de déterminer l’orientation sexuelle de quelqu’un.
  • le second traite de la noirceur, pour dénoncer :

– l’incapacité des logiciels de reconnaissance faciale à reconnaître les peaux noires

– la favorisation de la couleur noir dans l’esthétique militante

– la couleur noir qui embrouille les systèmes informatiques

  • le 3e masque traite du féminisme en dénonçant la dissimulation et l’imperceptibilité. Il fait contrepoint en citant la loi française sur le port du voile (interdiction du port du voile intégral dans l’espace public ; datant du 14 septembre 2010) comme une obligation de visibilité
  • enfin, le 4e masque brouille et dénonce l’évolution et le développement des systèmes de reconnaissance de données biométriques aux frontières, notamment à la frontière américano-mexicaine, pour empêcher de passer.

Ce mouvement se joint aux mouvements sociaux, qui sont nombreux à utiliser le port du masque en emblême et pour se protéger. C’est une manière pour l’artiste de protester contre la reconnaissance en tant que moyen de créer des normes et des profils genrés, binaires et respectant une certaine norme ainsi qu’une blanchité.

 

 

« Face off », la reconnaissance faciale disséquée 

Jacob Burge est un photographe qui vit au Japon. Il pense la photographie en rapport à la vidéosurveillance. Cette série de photos peut représenter les algorithmes qui sont utilisés dans les technologies de reconnaissance faciale. Son but, comme les autres artistes, est de dénoncer les risques de la reconnaissance faciale. Il fait ce travail avec humour, puisqu’il précise qu’il n’a pas demandé l’avis à ses modèles avant de les prendre en photo, mais à en voir son travail, cela ne porte pas atteinte aux personnes puisque leurs visages sont complètement transformés. Ce geste est fait pour critiquer le fait que les individus sont repérés, reconnus dans la rue, contre leur gré. Même si ils ne sont pas suspects et que les caméras de reconnaissance ne les visent pas si ils ne sont pas concernés, ils peuvent quand même être à vue et ce n’est pas agréable pour leur individualité et leur intégrité. 

Burge cherche à montrer le côté représentatif de la société, où règne un monde axés sur les apparences, avec un gouvernement qui cherche à surveiller et normer sa population.

 

Simone C Niquille et son Technoflesh

Simone Niquille est une chercheuse et designeuse suisse. Son travail, intitulé Technoflesh, aborde le thème de l’identité « sans corps ». Elle cherche à mettre en valeur le fait que l’identité et les données biométriques sont de plus en plus surveillés dans le quotidien des individus, et elle cherche à bafouer ce système en  cachant une partie d’un visage et en y ajoutant des attributs comme des lunettes de soleil, qui permettent de dissimuler l’identité d’une personne. Les lunettes de soleil ont fait partie des premiers objets du quotidien utilisés en tant que revendication et en opposition aux systèmes de reconnaissance faciale utilisés par les gouvernements.

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