Le BDSM, c’est quoi ?

Selon une enquête Harris, en 2014, le bondage intéressait presque la moitié des répondants québécois. Un quart des femmes et 43 % des hommes auraient volontiers fouetté leur partenaire.

Les pratiques BDSM ne semplent plus être l’apanage de quelques individus isolés.

BDSM késako?

Bondage. Discipline, Sado-Masochisme. Ce sigle désigne une forme d’échange sexuel contractuel utilisant la douleur, la contrainte, l’humiliation érotique ou la mise en scène de divers fantasmes sexuels dans le but de stimuler les zones érogènes. S’il est toujours fondé sur un contrat entre deux parties (pôle dominant et pôle dominé), le BDSM fait l’objet de pratiques très variées.

Le numérique a-il bouleversé les rencontres BDSM ?

Avant, les jeux BDSM se déroulaient au sein du couple ou lors de soirées où l’accès nécessitait de connaitre une personne du cercle. D’être parrainé(e) comme on dit dans le jargon.

En 2019, Internet a permis l’ubérisation de la société. Les applications favorisent le contact direct, quasi-instantané, entre deux utilisateurs. Elles permettent la réduction des intermédiaires et suppose un service moins cher, plus sécurisé.

Mais alors le numérique permet-il plus de rencontres BDSM, en s’extirpant du schéma classique du parrainage ou de la quête infernale d’un adepte en guise de partenaire sexuel? Réponse à suivre, petits curieux. Ce sera l’objet de notre première enquête.

Avant les sites de rencontre, les rencontres amoureuses pouvaient passer par de petites annonces dans le journal du type « Homme bien gaulé cherche à michtonner ».

Non on plaisante. Le sociologue François de Singly en 1984 a analysé ces petites annonces. Il part de des travaux d’Erwing Goffman qui considère que les individus changent de masque en fonction de leur rôle dans le monde social.
Le docteur Jean n’aura pas le même comportement avec ses patients, sa femme, ses enfants ou ses amis. Il change de masque social.

Pour séduire les individus revêtent un masque codifié et genré. C’est ce qu’a observé De Singly dans les petites annonces amoureuses. Les femmes mettent en avant leur physique quand les hommes mettent en avant capital et statut social.

Mais alors qu’en est-il des applications BDSM ? Les femmes mettent-elle leur courbes en avant et les hommes leur portefeuille ? Et quel masque revêtent les utilisateurs ? Celle d’un amant sauvage ? D’une personne respectueuse ? Révèlent-ils de suite s’ils préfèrent être dominant ou dominé ? Quelles conversations peuvent-ils bien tenir avant la rencontre ? Eléments d’enquête à suivre.

 

Que signifie l'accronyme BDSM ?

Correct

Bien joué maître !

Incorrect

Pourquoi le smartphone pourrait potentiellement permettre plus de rencontres BDSM ?

Correct
Incorrect

Quelle est la thèse exposée par Erwing Goffman ?

Correct
Incorrect

 

Plus de fessées sur le numérique ?

Après ce focus sur les applications BDSM, il est temps que nous questionnons la place des pratiques BDSM dans le numérique en général.

 

Nous avons décidé de mettre notre travail en perspective avec le texte de Mathieu Trachman consacré à un club de fessée.

Avec cette recherche, Mathieu Trachman s’est intéressé à un club de fessées parisien créé au début des années 1980. Ce club réservé aux hommes est une véritable communauté dédiée aux rencontres pour pratiquer la fessée.

Le but de cette étude était de comprendre les imbrications entre la sexualité relevant de l’intimité et une sociabilité sous la forme d’un club.

Alors que sexualité et sociabilité sont souvent conçues comme antagonistes, l’ethnographie du club de fessée montre que celui-ci n’a pas pour seule fonction de rassembler des individus ayant le même désir : il permet de le partager et d’en discuter dans un cadre bienveillant, il banalise une pratique parfois vécue dans la honte, il définit les formes et frontières du fantasme.

Les trajectoires des enquêtés, caractérisées par une certaine discrétion et une sexualité restreinte, les manières dont les récits de fantasmes publiés dans le magazine du club cristallisent des moments spécifiques des socialisations masculines, la place de la douleur dans la pratique de la fessée permettent finalement de comprendre celle-ci comme la mise à l’épreuve d’une masculinité latérale.

Grâce à cette étude, Mathieu Trachman démontre que la constitution d’une communauté aux pratiques déviantes traduit souvent le besoin de questionner les identités de genre dans leur socialisation. Seulement pour que ces pratiques restent dans une communauté réduite et protégée, l’accès au club de fessée se fait uniquement grâce à des parrainages par des individus déjà membres et l’information se fait grâce à un journal papier.

Seulement le club de fessée ne mobilise pas du tout le numérique pour se réunir tout en connaissant un véritable succès. Avec l’explosion du nombre de plateformes de rencontres, quelle place prend les applications de rencontres BDSM dans la constitution de ces communautés de pratiques ?

 

Et bien, grâce à nos résultats il nous est apparu que les applis ne se substituent pas aux rencontres grâce à des clubs ou grâce à des forums BDSM. Il n’y a pas réellement une rationalisation des rencontres BDSM mais plus certainement un ajout de possibilités grâce aux applis. Si l’intérêt des applis de rencontre réside dans la protection contre le contrôle social, la communauté BDSM se constituant déjà en vase clos, l’investissement dans ces applis c’est pas forcément la façon la plus simple d’intégrer le milieu. Des sites comme le marché aux esclaves ou certains forums Doctissimo cachés ont, d’ailleurs, beaucoup plus d’utilisateurs (et ils peuvent vous en révéler un peu plus petits coquins).

De plus, selon les confidences de certains utilisateurs, ces applis ne sortent pas tellement du lot car ils ont pu développer des pratiques BDSM avec des partenaires rencontrés sur des applis classiques qui ciblent un public large comme Tinder.

Ainsi, le numérique a permis de développer des applis qui constituent un continuum de rencontres  BDSM plus qu’elles ne remplacent les sites spécialisés et clubs physiques.

Aujourd’hui avec la série Bonding tout juste sortie sur Netflix et le succès des livres 50 nuances de Grey, les pratiques BDSM et fétichistes font partie de nos représentations culturelles. Pourtant, ces pratiques restent toujours aussi stigmatisées et le numérique n’est que le reflet des normes sociétales. En effet, cette année de nombreuses voix se sont élevées contre la censure de comptes instagrams avec pour objectif l’éducation et la pédagogie sexuelle.

Des comptes comme Jouissance Club ou T’asjoui, ne comptant que des dessins et phrases initiatiques, ont été fermés à cause de trop nombreux signalements.

Il semble donc que ce soit les internautes qui choisissent les représentations qui leur semblent correctes sur le numérique. Dans notre société profondément patriarcale, ce qui est conforme au désir des hommes hétérosexuels est valorisé jusque sur le net en écartant comme déviant tout ce qui est différent.

Il n’y a donc pas forcément plus de fessées sur le numérique mais la sensibilisation à la tolérance envers toutes les pratiques sexuelles peut être accentuée grâce aux productions des industries culturelles. C’est à chacun de nous de travailler sur les représentations culturelles qu’on se laisse voir et que l’on donne à voir.