Module 4 : Fonctionnement interne des Internettes

Fonctionnement interne des Internettes


Certaines créatrices tentent de contourner les problématiques de censure, auto-censure ou encore de démonétisation auxquelles elles sont régulièrement confrontées dans leur processus de production. Ainsi se mettent en place de nombreuses stratégies internes de contre-pouvoir au sens foucaldien. Citons par exemple Léa Bordier qui, via sa chaîne Cher Corps, dresse le portrait de femmes et de leurs rapports à leurs corps. Les Internettes ont par ailleurs lancé la campagne #Moncorpssuryoutube en 2018 dans une volonté de rassembler plusieurs témoignages afin de dénoncer ces entraves à la création et d’en faire prendre conscience au grand public. Enfin, plusieurs affirmations de vidéastes mettent en avant le fait que la présentation de soi dans les vidéos les amènent à se réapproprier leur image et par conséquent à gagner en confiance.

 

Les Internettes adoptent une démarche positive puisqu’elles mettent un point d’honneur à envisager le militantisme comme une forme d’empowerment. Ce concept est en partie définissable par sa difficulté de traduction :

Plusieurs formulations ont été proposées, parmi lesquelles « capacitation », « empouvoirisation », « autonomisation » ou « pouvoir d’agir ». Mais les termes « autonomisation » et « capacitation », s’ils indiquent bien un processus, ne font pas référence à la notion de pouvoir qui constitue la racine du mot ; et les expressions « pouvoir d’agir » ou « pouvoir d’action » ne rendent quant à elles pas compte du processus pour arriver à ce résultat et de sa dimension collective.

L’empowerment, un nouveau vocabulaire pour parler de participation ? Marie-Hélène Bacqué et Carole Biewener, In : Idées économiques et sociales 2013/3 (N° 173), pages 25 à 32

 

Leurs champs d’action s’articulent ainsi autour de deux axes principaux :

  • la formation, la valorisation et l’entraide : il est question, dans un premier temps, de fournir aux vidéastes tous les outils nécessaires à la création afin de leur permettre de gagner en autonomie dans la phase de production. Le but est alors de les former afin de les faire monter en compétences. En parallèle de ce travail, il est nécessaire de favoriser au maximum le sentiment de légitimité des vidéastes. Enfin, il s’agit de maximiser la visibilité qui sera accordée à leur travail, leurs talents, leurs compétences.
  • une démarche militantiste féministe : le collectif est né en réaction aux nombreuses problématiques auxquelles sont confrontées les vidéastes féminines, une des ambitions premières des Internettes est donc de faire entendre leurs revendications, ainsi que de faire gagner en visibilité les causes qu’elles défendent. Il est donc essentiel de sensibiliser aussi bien le grand public que les acteurs institutionnels et d’internet, notamment les vidéastes masculins.  Par ailleurs, c’est principalement en travaillant avec les créatrices que ce collectif tente de contrer la censure, autant que faire se peut. Enfin, évoquer ces problématiques via leur application à la plateforme Youtube permet de dénoncer leur omniprésence dans toutes les sphères quotidiennes.
Le groupe Facebook privé « Les créatrices sur internet »

Aussi, les Internettes ont su mettre à la disposition des vidéastes de nombreux dispositifs tels qu’un cycle de masterclass, des rencontres, une plateforme d’échange (Discord), de nombreuses interventions auprès des institutions, la réalisation d’un documentaire (“Elles prennent la parole”), la Cérémonie des Pouces d’Or visant à favoriser l’aide à la création, et enfin la création d’une page Facebook privée Les créatrices vidéos sur internet permettant l’échange entre vidéastes, proposant des animations et des jobs à pourvoir.

Le Discord des Internettes

L’accent mis sur le partage et l’entraide entre créatrices via les dispositifs lancés par les Internettes portent leurs fruits. Le questionnaire que nous avons mis en ligne nous a permis de prendre conscience de l’importance des rôles modèles dans le processus de création des vidéastes. En effet, 84,2% des productrices de contenu qui y ont répondu affirment être encouragées et inspirées par l’existence d’autres vidéastes qu’elles envisagent comme modèles.


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