module 1 : Les réseaux sociaux comme scène de performance – Création de la Beurettocratie

La performance de Lisa Bouteldja se créé autour du concept de Beurettocratie, qu’elle met en scène comme étant un parti politique : elle se définit d’ailleurs comme une personnalité politique dans la description de son compte. Elle se présente comme étant leader d’un mouvement et joue avec ces codes : elle met fortement en avant ses origines, elle revendique le fait d’être à la fois algérienne et française, en utilisant le terme de « francobeurette » dans ses légendes. Elle joue souvent dans ses photos avec une écharpe aux couleurs de l’Algérie, ou encore de la Tunisie, où elle écrit en légende de sa photo « Grâce à francobeurette le Maghreb est United » avec des emojis des drapeaux marocains, algériens et tunisiens.

Mise en scène d’un personnage de mode :

Lisa Bouteldja est passionnée et diplômée en mode, elle utilise donc la mode et le vêtement pour faire passer son propos. Ses photos sont semblables à des photos de magazine de mode, les tenues et les poses sont réfléchies, elle crée un véritable univers avec un style particulier. Ses mises en scène sont souvent tournées à l’excès, elle est dans le second degré et joue des codes de la mode.

Par exemple avec la story « 1001 falsh » publiée sur son compte, elle crée une histoire qu’elle met en scène par l’outil story sur Instagram, en écrivant directement via l’application sur ses photos, c’est une sorte de roman-photo moderne. Il y a l’idée de DIY, c’est quelque chose fait pour faire rire, qui n’est pas forcément très travaillé. C’est une histoire totalement absurde. On
voit bien qu’elle se laisse une grande liberté sur son compte, et qu’elle ne suit pas les codes de la blogueuse mode. C’est avant tout un compte dans lequel elle s’amuse des clichés.

 

 

Nous nous sommes appuyées sur l’article “Blogs personnels de mode : identité, réalité et sociabilité dans la culture des apparences” d’Agnès Rocamora pour analyser la performance de Lisa Bouteldja sur Instagram. Agnès Rocamora nous dit qu’à l’époque postmoderne, la notion d’identité doit être pensée comme processus ; comme “devenir” plutôt que comme “être”. Le corps devient une surface d’auto-production et d’auto-affirmation et ce par le biais de “technologies de soi”, pour prendre les termes de Foucault. Dans le cas des blogs de mode, Agnès Rocamora définit 4 technologies de soi :

La mode = Le vêtement comme processus de construction identitaire.

Le blog = Que l’on peut ouvrir au compte Instagram pour notre analyse, qui est à l’image d’un journal intime.

La photographie = Qui implique une “performance identitaire”, une “mise en histoire de soi”

L’écran de l’ordinateur ou du téléphone = En développant que ces écrans sont des “écrans dynamiques”, qui montrent le présent, et on une place omniprésentes dans notre quotidien.

Ce sont des “espaces de production identitaire”, elle s’appuie sur la réflexion de Sherry Turkle qui note que Internet est devenu un laboratoire social de poids pour expérimenter avec les constructions et reconstructions de soi qui caractérisent la vie postmoderne. Dans sa réalité virtuelle, nous nous auto-façonnons et nous nous auto-construisons.

Agnès Rocamola souligne également la question du genre dans la construction de soi par le blog de mode, en disant que notre relation aux images est structurée par les rapports de pouvoir entre hommes et femmes. La production d’images est souvent soumise au regard masculin et hétérosexuel. Cette réflexion est intéressante dans l’étude de cas du compte Instagram de Lisa Bouteldja puisqu’elle-même a construit sa performance d’identité pour répondre à ce regard dominant, et a un rapport de pouvoir de genre, de race et de classe.

smash wonder woman GIF
Cela renvoie à la théorie d’Erving Goffman, qui définit le monde social comme une scène de théâtre, dans lequel nous apparaissons comme des acteurs en représentation. Internet est donc un monde social. Lisa Bouteldja est dans une performance théâtrale, elle performe ses personnages, mais nous allons voir qu’elle perfome également son genre.